samedi 22 août 2015

Pourquoi l'orientation sexuelle

est un droit humain fondamental ?
Mais pas le droit à l'eau ?


À une grande réunion
de Théologiens et d'Évêques Africains


Les Évêques et Théologiens Africains demandent des discussions plus exhaustives au Synode

Contexte

Lors d'une réunion de grande envergure de théologiens africains en juillet, plusieurs universitaires et Évêques ont appelé à une portée plus large des discussions au Synode des Evêques d’octobre. Ils ont dit que les discussions de l'année dernière au Synode ont passé outre leurs nombreuses préoccupations africaines



Joshua J. McElwee --- Vatican Insider
Nairobi

Un certain nombre de théologiens et d’Évêques éminents à travers le continent africain ont fortement appelé à des discussions plus vastes à la réunion générale de cet automne des Évêques Catholiques sur les questions de la famille, en disant que l'événement de l'année dernière s’est trop concentré sur des sujets essentiellement de préoccupation pour les Européens et les Nord-Américains.

Les discussions de l'an dernier — qui a attiré la couverture globale des médias scrutant les positions des Évêques sur les questions controversées comme le divorce et le remariage et de même sexe — ont laissés de côté une multitude de problèmes urgents auxquels sont confrontés des millions de personnes vivant en Afrique, c’est ce qu’ont fait valoir des prélats et des universitaires lors d'une conférence novatrice ici les 16-18 juillet.

Dans une réflexion sur le ton de l'événement, un théologien participant a fait un résonnant et poignant plaidoyer. L'Église globale, a-t-elle dit, doit se recentrer entièrement pour parler au nom des Africains sans voix qui souffrent de plusieurs façons.

« A quel point sommes-nous indignés ? Qui en garde une trace ? » cria Nontando Hadebe à d'autres participants à la réunion, parlant précisément de l'enlèvement de quelque 300 écolières par le groupe terroriste Boko Haram au Nigeria en 2014.

« On a juste besoin d'être une institution qui dit non — pas plus » a-t-elle poursuivi, appelant l'Église à se réorienter pour devenir la « gardienne, pourvoyeuse, protectrice » des vies noires et africaines.

« Nous avons besoin d'une institution qui est outrée et qui soutient cette indignation comme un enseignement prophétique » a déclaré la Sud-Africaine, une théologienne montante qui a concentré son travail sur les luttes des femmes africaines.

Hadebe, qui enseigne au Collège St. Augustin de Johannesburg, était l'un des 36 éthiciens Catholiques les plus importants du continent réunis pour ces discussions, le dernier d'une série de ces réunions sur trois ans qui se sont tenus au Collège universitaire Jésuite Hekima depuis 2013 .

Organisé comme un « Colloque théologique sur l'Église, la Religion et la société en Afrique », l'événement de cette année a vu les universitaires et les prélats sélectionnés discuter d'un large éventail de questions, comme les questions de la destruction écologique et le fondamentalisme religieux, et comment le Pape François a un impact sur la forme des structures de l'Église de l'Afrique.

Mais beaucoup des conversations se sont centrées sur la réunion du Synode des Évêques en octobre prochain, la seconde de deux réunions consécutives d'Évêques appelées par François pour 2014 et 2015 afin de se concentrer sur les questions de la vie de famille.

Parmi ceux qui ont touché à ce sujet, il y a trois prélats : de Rustenburg, en Afrique du Sud, Mgr Kevin Dowling ; de Malindi, au Kenya, l’Évêque Emanuel Barbara ; et de Kibungo, au Rwanda, Mgr Antoine Kambanda.


Les deux Dowling et Barbara ont carrément blâmé la réunion 2014 de ne pas s’être concentrée assez sur les questions africaines.

Dowling, une voix de premier plan mondial en tant que co-président du groupe de la paix internationale catholique Pax Christi, a dit qu’il espérait que l'événement 2015 permettrait d'éviter tout simplement de réaffirmer des doctrines de « constructions à prédominance Eurocentrique ».

Plus loin dans la réunion, il a dit que ce Synode devrait être consacré à « toutes les questions systémiques qui menacent les relations entre les gens dans les sociétés et qui rendent si difficiles pour les parents d’aujourd'hui d’entretenir leur relation avec leurs propres enfants et ainsi de les élever de façon saine et vivifiante ».

Barbara, qui a été sélectionné comme substitut pour assister au Synode si les Évêques Kenyans élus ne sont pas capables d’y être, a dit que le premier synode a été centré « beaucoup plus sur l’Europe ou la culture européenne qui est convertie au Christianisme et qui est maintenant confrontée aux grands défis de l'ère nouvelle ».

Les Africains, a dit Barbara, sont confrontés à de nombreux défis différents de ceux des Européens. Beaucoup d'Africains, a-t-il dit, sont toujours aux prises avec des problèmes liés aux plus récents convertis au Christianisme et qui essaient de vivre leur foi tout en respectant leurs cultures traditionnelles.

L'Évêque du Kenya a appelé à une nouvelle théologie du mariage dans un contexte africain.

« Si nous voulons avoir du respect pour nos familles chrétiennes africaines, nous devons travailler sérieusement sur une théologie chrétienne africaine du mariage » a-t-il dit. « Ça ne suffit pas d'appliquer d'autres modèles qui ont été là depuis des siècles ».

Un théologien Ougandais Emmanuel Katongole, a même critiqué ce qu’il a appelé une « tyrannie de questions morales urgentes » qui réduit à l’immédiat les problèmes auxquels l'Église a besoin de faire face à des questions de sexualité ou d’autorité.

« L'effet global de commencer avec les « questions morales urgentes » est de faire une parodie de la voix de l'Afrique » a déclaré Katongole, professeur d'études de théologie et de la paix à l'Institut Kroc de l'Université de Notre-Dame. « Ça obscurcit ce qui pourrait être des questions plus larges et urgentes mais peut-être moins sexy qui affectent des millions d'Africains ».

« On se demande pourquoi la sexualité est une question morale pressante mais le fait que des millions d'Africains manquent de produits de première nécessité comme l'eau, la nourriture et un abri ne l’est pas » a-t-il dit. « Pourquoi l'orientation sexuelle est un droit humain fondamental, mais pas le droit à l'eau ? »

Appel à l'organisation africaine

Dans trois séances de rencontre exhaustives à Nairobi portant sur l’« Évangile de la famille : de l'Afrique à l'Église mondiale », les participants ont apporté un large éventail de sujets familiaux uniques qu’ils ont affirmé que l’Église affrontait sur leur continent mais qui n’ont pas été adéquatement discutés au Synode 2014.

Parmi les questions, trop nombreuses pour être énumérées dans leur intégralité, mentionnons :

  • La lutte des Africains pour leur identité qui se sentent séparés de leurs cultures traditionnelles après leur conversion chrétienne ;
  • La violence sexiste dans les ménages, majoritairement contre les femmes ;
  • La présence disparue des pères dans la vie de famille ;
  • La pauvreté paralysante à grande échelle ;
  • Le manque de « leadership éthique et de principe » dans les deux sphères : gouvernementales et l'Église.

Plusieurs participants à la réunion ont demandé aux dirigeants de l'Église africaine de travailler plus étroitement ensemble afin de coordonner leurs présentations sur ces questions au Synode 2015.

Le théologien jésuite Paul Bere a dit qu’il éprouvait un « lamentation profonde » à cause du fait que la complexité des problèmes auxquels sont confrontés les Africains n'a pas été abordée lors du Synode 2014.

« C’est si triste que l'Église de l'Afrique n'a pas fait entendre sa voix et je doute qu'elle sera entendue au prochain Synode » a déclaré Bere, originaire du Burkina Faso et qui enseigne à l'Institut de Théologie de la Compagnie de Jésus à Abidjan, Côte-d'Ivoire.

Bere, qui a aussi servi de consultant pour le Synode au Bureau du Secrétariat des Évêques au Vatican en 2009-2014, a dit que les voix africaines n’étaient pas entendues parce que les différentes églises africaines n’ont pas organisé leurs arguments ensemble.

Maryknoll P. Joseph Healey, un Américain qui a vécu en Afrique de l'Est pendant près de 40 ans, a déclaré que les Évêques Africains « n’en sont pas venus avec une stratégie claire et incisive pour présenter [leurs] priorités à Rome ».

« Contrairement à d'autres continents qui planifient ensemble et viennent ensuite avec des priorités claires, nos interventions africaines sont souvent dispersées et non planifiées ensemble » dit-il.

Barbara, dont le diocèse de Malindi se trouve à environ 300 miles à l'est de Nairobi sur l'océan Indien, a axé ses remarques en parlant pour les Catholiques africains qui luttent pour vivre dans leurs deux cultures : traditionnelle et chrétienne.

L'Évêque a dit qu’il entend constamment des Catholiques dans son diocèse lui dire qu’ils sentent qu’« ils ne vivent pas tout à fait comme des Africains parce qu'ils sont devenus chrétiens ».

Barbara a également identifié deux propositions spécifiques qu’il a dit qu’il a demandé aux Évêques du Synode d’octobre de considérer en écrivant au Bureau du Synode du Vatican. Ses suggestions sont : la création d’une forme graduelle de consentement au mariage et des cours de préparation plus importants pour les couples qui envisagent le mariage.

Sur le premier point, l'Évêque Kenyan a dit que les mariages traditionnels africains engagent normalement beaucoup plus que le simple « Oui, je le veux » qui confirme le consentement du couple qui se marrie dans les mariages Chrétiens. Dans le passé, disait-il, le consentement entre les conjoints prenait des années à se faire — le couple vivait ensemble et leur famille respective venait graduellement se mailler au couple.

« Peut-on encore parler aujourd'hui d'une forme universelle de mariage où le seul consentement « Oui, je le veux » provenant d'une culture latine, allemande — sera suffisant pour sanctionner un mariage » s’est interrogé Barbara.

« Dans le contexte africain, on avait habitude de vivre des étapes » dit-il. « Les deux familles avaient à être impliquées à la fois avant que le mariage ne devienne vraiment quelque chose. Est-ce suffisant encore aujourd'hui d'insister dans notre propre culture, dans notre environnement en Afrique, de dire qu’il suffit que vous « alliez devant le prêtre ou le ministre et de dire : « Oui, je le veux ? »

L’Évêque Kenyan a également dit que l'enseignement de l'Église sur la contraception et la fertilité se concentre trop spécifiquement à définir le comportement pécheur.

« C’est trop simpliste de dire ce que nos couples Chrétiens Africains ne peut être enseignés que sur les effets négatifs ou bons de la contraception, de la stérilité, de la fertilité ou tout simplement tout juste en-dessous de la catégorie de ce qui est péché ou non » a déclaré Barbara. « C’est trop simpliste pour une culture où la fécondité est l'un des éléments les plus importants dans le mariage ».

Le théologien Ougandais, Katongole, a présenté sept défis sociaux auxquels les églises Africaines font face et il « presse pour une imagination théologique créative de ce que l'Église en Afrique a besoin d’être, devrait être et comment elle peut répondre à ces défis ».

En identifiant l’Afrique sub-Saharienne comme ayant la population avec la plus forte croissance dans le monde, le professeur de Notre Dame a cité des statistiques où plus de 50 pour cent des jeunes sont analphabètes et chômeurs dans cette région.

« Cela va faire pression sur l'Église en Afrique » a déclaré Katongole. « Quel genre d’Église aurons-nous ? Je pense qu’en répondant à ce défi, l'Église Africaine se trouvera attirée davantage sur la vision ecclésiologique du Pape François, à savoir l'Église des pauvres pour les pauvres ».

Un style de leadership de « Grand Patron »

Mais le théologien a également déclaré que l'un des principaux problèmes rencontrés par l'Église en Afrique est une tendance à refléter dans ses structures un type de style de direction populaire existant dans les gouvernements africains où une figure clé exerce le pouvoir comme un « grand homme » ou un « patron ».

« Le leadership de l'Église, malheureusement, a reflété et irradié dans son ensemble le même style de leadership où l'Évêque et, dans une moindre mesure, les prêtres exercent leur statut de chef et de Seigneur incontestable auprès de ceux qu'ils dirigent » a déclaré Katongole. « En conséquence, les institutions religieuses sont caractérisées par la même forme et, dans certains cas, des formes encore plus graves de corruption et d'opacité ».

Le théologien a appelé les Évêques « à retrouver une vision de l'église » branchée sur l'appel de Jésus à être des serviteurs.

La théologienne Kényan Philomena Mwaura a identifié la violence contre les femmes et le manque de pères stables comme problèmes dans les pays africains et qui devraient être discutés au Synode d’octobre.

Mwaura, professeure agrégée à l'Université publique de Kenyatta du Kenya a dit qu'il y a une « crise » dans la paternité sur son continent, citant des chiffres comme seulement trois pour cent des Africains disent qu'ils ont une bonne relation avec leurs pères.

« Le défi dans la famille africaine moderne d'aujourd'hui est la présence des pères » dit-elle. « Les garçons n’ont pas de mentors ; ils ne disposent pas de modèles ».

L'événement de Nairobi a été convoqué par l'University College de Hekima, son Principal, le Père Jésuite Agbonkhianmeghe Orobator. Un natif du Nigeria qui a récemment terminé un mandat comme Provincial de l'Afrique Orientale au nom de l'Ordre de sa Province, Orobator a arrangé les trois années de conférences théologiques avec des thèmes distincts.

Le thème de cette année était : « L’Agenda pour Vatican III : Idées, Questions et Ressources de l'Afrique pour l'Église Mondiale ». Outre le Synode de la famille, d'autres séances furent axées sur les questions écologiques aussi, sur la violence religieuse et les soi-disant problèmes urgents moraux à travers le continent.

L'événement de cette année a été marqué par une quantité inhabituelle de dialogue ouvert pour une conférence théologique. Les présentations étaient limitées à 10 minutes pour que les participants puissent passer du temps à discuter de leurs idées ensemble.

Au cours d'une séance de discussion à l'ouverture le 16 juillet, les participants ont vivement fait l'éloge de ce cycle de trois ans, en disant que ça leur a permis d'élargir leurs horizons par la connaissance de la diversité des expériences à travers leur continent.

Kambanda, l'Évêque Rwandais, a mentionné qu’il fut nommé à son ministère il y a deux ans et qu’il a trouvé sa participation aux colloques très opportune.

« C’était providentiel pour moi comme un nouvel Évêque dans le diocèse » a-t-il dit et il a ajouté qu’il a justement aidé à lancer le processus pour créer un nouveau plan pastoral pour son diocèse dans le sud-est du Rwanda.

« Ici, j’ai appris de la théologie pratique » a déclaré Kambanda. « De la théologie dans la pratique qui m'a inspiré dans ce plan pastoral ».

Dowling, l'Évêque Sud-Africain, a dit qu'il savait que de nombreux théologiens font face à des difficultés dans leur travail avec le leadership dans leurs diocèses.

« Vous faites face à des défis systémiques dans l'Église et je suis très conscient de ceux-là » a-t-il dit au groupe. « C’est très important que vous sachiez que certains d'entre nous en situation de direction, non seulement nous vous aimons, mais nous vous soutenons pleinement ».

« Votre rôle et votre vocation sont de repousser les limites aussi difficiles qu’elles puissent être » a conclu Dowling.

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