mercredi 14 février 2018

La Royauté du Christ
et l'anti-royaume de la modernité


Autre titre : L'Église qui capitule devant les valeurs du monde




Par : Peter A. Kwasniewski, PhD (Philosophie)
Professeur, Wyoming Catholic College

SOURCE : One Peter Five
Le 8 février 2018


Juste après que la décision de la Cour Suprême dans la cause Obergefell versus Hodges [ permettant les mariages gay aux USA ] ait été annoncée, les médias ont rapidement rapporté le langage « conciliant » et « modéré » du Cardinal Donald Wuerl :

« La loi du pays est la loi du pays » a dit l'Archevêque de Washington, le Cardinal Donald Wuerl. « Nous suivons certainement ce que dit la loi. Cela ne signifie pas que nous changeons la Parole de Dieu. Cela ne veut pas dire que nous changions les Écritures, ou la Tradition millénaire de l'Église de ce qu'est le Mariage ». [1]

Dans un sens, cela n'est guère surprenant. Nous avons vu le même Cardinal assumer une position aussi molle à l'égard des politiciens pro-avortement qui abusent du Très Saint Sacrement en le recevant malgré leur dissidence publique notoire et persistante contre un enseignement immuable sur la Foi et la morale. En même temps, cependant, cela devrait nous choquer profondément, comme un exemple de plus d'un berger abandonnant l'enseignement limpide de l'Église. Le plus grand témoin de cet enseignement est, bien sûr, le Docteur Angélique, qui écrit :

« La loi humaine a raison de loi en tant qu'elle est conforme à la raison droite; à ce titre, il est manifeste qu'elle découle de la loi éternelle. Mais, dans la mesure où elle s'écarte de la raison, elle est déclarée loi inique et, dès lors, n'a plus raison de loi, elle est plutôt une violence ». [2]

« Et encore: « Toute loi portée par les hommes n'a raison de loi que dans la mesure où elle découle de la loi naturelle. Si elle dévie en quelque point de la loi naturelle, ce n'est alors plus une loi mais une corruption de la loi ». [3]

Ces deux passages sont cités textuellement par le Pape Jean-Paul II dans le numéro 72 de l'encyclique Evangelium Vitae. La même Doctrine se retrouve également chez Saint Augustin et chez les autres Pères et Docteurs de l'Église. Nous la trouvons aussi en effet chez Martin Luther King, Jr., dans sa célèbre « Lettre d'une prison de Birmingham », citant à la fois Augustin et Thomas d'Aquin sur ce point précis. Comme c'est honteux quand les pasteurs de l'Église Catholique ne peuvent pas se comparer avec la perspicacité théologique d'un Pasteur Baptiste !

« La Doctrine selon laquelle une loi injuste (ou une décision judiciaire, ou une action exécutive, d'ailleurs) n'est pas une loi mais plutôt une corruption de la loi, un acte de violence, une insulte à Dieu, et un crime contre tous les citoyens, est enseignée le plus clairement par le Pape Léon XIII, le plus grand représentant de l'enseignement social Catholique :

Cependant la hiérarchie de ces devoirs se trouve quelquefois injustement bouleversée, soit par le malheur des temps, soit plus encore par la volonté perverse des hommes. Il arrive, en effet, que, parfois, les exigences de l'Etat envers le citoyen contredisent celles de la religion à l'égard du chrétien, et ces conflits viennent de ce que les chefs politiques tiennent pour nulle la puissance sacrée de l'Église ou bien affectent la prétention de se l'assujettir. De là, des luttes et, pour la vertu, des occasions de faire preuve de valeur. Deux pouvoirs sont en présence, donnant des ordres contraires. Impossible de leur obéir à tous les deux simultanément. Nul ne peut servir deux maîtres. Plaire à l'un, c'est mépriser l'autre. Auquel accordera-t-on la préférence ? L'hésitation n'est pas permise. Ce serait un crime, en effet, de vouloir se soustraire à l'obéissance due à Dieu pour plaire aux hommes, d'enfreindre les lois de Jésus-Christ pour obéir aux magistrats, de méconnaître les droits de l'Église sous prétexte de respecter les droits de l'ordre civil. Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes ». [4]

« Il n'existe qu'une seule raison valable de refuser l'obéissance ; c'est le cas d'un précepte manifestement contraire au droit naturel ou divin, car là où il s'agirait d'enfreindre soit la loi naturelle, soit la volonté de Dieu, le commandement et l'exécution seraient également criminels. Si donc on se trouvait réduit à cette alternative de violer ou les ordres de Dieu ou ceux des gouvernants, il faudrait suivre le précepte de Jésus-Christ qui veut « qu'on rende à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu (14) », et, à l'exemple des Apôtres, on devrait répondre : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes (15) ». Et il ne serait pas juste d'accuser ceux qui agissent ainsi, de méconnaître le devoir de la soumission ; car les princes dont la volonté est en opposition avec la volonté et les lois de Dieu, dépassent en cela les limites de leur pouvoir et renversent l'ordre de la justice ; dès lors, leur autorité perd sa force, car où il n'y a plus de justice, il n'y a plus d'autorité ». [5]

Heureusement, le raisonnement solide et l'Esprit de Vérité qui ont guidé Saint Augustin, Saint Thomas et Léon XIII ne sont nullement absents de l'Église aujourd'hui. Dans une homélie prononcée à peu près en même temps que le langage « conciliant » cité ci-dessus, le Cardinal Raymond Leo Burke a prononcé ces paroles absolument claires :

« Pourtant près de deux cents ans plus tard [ après la Déclaration d'Indépendance ], en 1973, le plus haut tribunal de la nation a enlevé le droit à la vie à l'innocent et sans défense à naître, et en ce 26 juin qui vient de passer, au mépris des « Lois de La Nature et le Dieu de la Nature », la même Cour Suprême a redéfini la nature du mariage et de ses fruits, la famille, la première cellule de la vie de la société. La confusion et l'erreur meurtrières que ces décisions représentent pour les États-Unis d'Amérique, et la confusion et l'erreur semblables dans d'autres nations, exigent de l'Église un témoignage clair, courageux et infatigable de la Parole du Christ, de la Vérité écrite dans chaque cœur humain, la Vérité sur laquelle le bonheur de l'individu et le bien commun dépendent absolument. L'Église ne peut pas rester silencieuse ou oisive, alors qu'un peuple se détruit par l'anarchie, même si l'anarchie est revêtue du vêtement de la plus haute autorité judiciaire ». [6]

Le contraste parle de lui-même. À la suite de ces tempêtes — auxquelles l'Exhortation Apostolique post-synodale Amoris Laetitia a ajouté plus de carburant — nous pouvons voir un défi de plus en plus grand pour les Catholiques : comment vivons-nous avec cela, comment réagissons-nous, les conséquences d'une hiérarchie divisée, un témoignage dilué, une opportunité gaspillée, et une persécution croissante ? L'ennemi de la nature humaine se moquera seulement des compromis en poursuivant énergiquement la corruption des bergers, la confusion du troupeau et la damnation des pécheurs.

* * *

Dans son encyclique Libertas Praestantissimum, le Pape Léon XIII explique que ce n'est pas à l'homme de dicter à Dieu ce que l'homme lui doit, mais plutôt de recevoir humblement et docilement de Dieu la loi qui doit être suivie pour lui plaire et atteindre le bonheur Il nous a créés :

« Si l'esprit humain est si présomptueux qu'il définit la nature et l'étendue des Droits de Dieu et de ses devoirs, le respect de la Loi Divine sera apparent plutôt que réel, et le jugement arbitraire l'emportera sur l'autorité et la Providence de Dieu. L'homme doit, par conséquent, prendre sa norme à partir d'une vie loyale et religieuse de la Loi Éternelle ; et de toutes et chacune de ces lois que Dieu, dans sa sagesse et sa puissance infinies, a eu plaisir à promulguer et de nous faire connaître par des signes si clairs et si évidents qu'Il ne laisse aucune place au doute. Et d'autant plus que les lois de ce genre ont la même origine, le même Auteur, que la Loi Éternelle, qui sont absolument conformes à la bonne raison, et perfectionnent la loi naturelle. Ces lois sont celles qui incarnent le gouvernement de Dieu, qui guide et dirige gracieusement l'intelligence et la volonté de l'homme de peur que celles-ci ne tombent dans l'erreur ». [7]

Nous voyons dans ces paroles lumineuses la confiance d'un Pape et d'une Église convaincues de la réalité et de la primauté de Dieu, de l'existence de la vérité absolue, de la capacité de la raison et de la Foi à connaître cette vérité, et de la capacité des hommes mêmes déchus de vivre en conformité à cette vérité avec l'aide de la grâce de Dieu. Nous retrouvons la même confiance et les mêmes conclusions dans l’Encyclique magistrale Veritatis Splendor du Pape Jean-Paul II.

Au début du XXe siècle, Mgr Robert Hugh Benson proclama avec une éloquence inimitable la même vérité fondamentale concernant la condamnation de l'hérésie qui, avec la réconciliation de l'hérétique repenti, est l'un des plus grands exercices de miséricorde dont l'Église est capable :

« L'Église Catholique est alors, et sera toujours, violente et intransigeante quand les Droits de Dieu sont en question. Elle sera absolument impitoyable, par exemple, envers l'hérésie, car l'hérésie n'affecte pas les choses personnelles sur lesquelles la charité peut céder, mais un Droit Divin sur lequel il ne faut pas céder. Cependant, simultanément, elle sera infiniment bonne envers l'hérétique puisque mille motifs et circonstances humaines peuvent apparaître et modifier sa responsabilité. À une parole de repentance, elle réadmettra sa personne dans son trésor d'âmes, mais non son hérésie dans son trésor de sagesse ; elle va rayer son nom avec empressement et librement de sa liste noire des rebelles, mais pas son livre des pages de son index. Elle montre de l'humilité envers lui et de la violence envers son erreur ; puisqu'il est humain, mais sa Vérité est Divine ». [8]

À quel point avons-nous perdu cette conception de l'obligation première de l'Église envers Dieu, Sa vérité et Sa sainteté, et jusqu'où sommes-nous parvenus à un compromis mondain avec le péché et l'erreur, si nous considérons un passage étonnant du Cardinal John Henry Newman qui, s'il était écrit aujourd'hui, serait considéré comme offensant, scandaleux, déséquilibré, et peut-être comme une forme de discours de haine :

« L'Église vise non pas à faire un spectacle, mais à faire un travail. Elle considère ce monde et tout ce qu'il contient comme une simple ombre, comme de la poussière et des cendres, comparée à la valeur d'une seule âme. Elle soutient que, à moins qu'elle ne puisse, à sa manière, faire du bien aux âmes, elle ne sert à rien ; elle soutient qu'il vaudrait mieux que le soleil et la lune tombent du Ciel, que la terre échoue et que tous les millions de personnes qui s'y trouvent meurent de faim dans l'agonie la plus extrême, en tant qu'affliction temporelle, que cette seule âme, je ne dirai pas, qu’elle devrait être perdue, mais qu’elle commettrait un seul péché véniel, qu’elle raconterait une fausseté délibérée, même si ça ne fait de tort à personne, ou qu’elle dérobe un pauvre liard sans excuse. Elle considère l'action de ce monde et l'action de l'âme simplement incommensurables, vues dans leurs sphères respectives ; elle préfèrerait sauver l'âme d'un seul bandit sauvage de Calabre, ou mendiant pleurnichard de Palerme, que de dessiner une centaine de lignes de chemin de fer à travers toute l'Italie, ou d'effectuer une réforme sanitaire, dans ses moindres détails, dans chaque ville de la Sicile, sauf dans la mesure où ces grandes œuvres nationales tendaient à un bien spirituel au-delà d'elles ».

« Ô vous, hommes du monde, et maintenant vous la connaissez. Telle elle est, telle elle sera ; et, bien qu'elle vise à votre bien, c'est à sa manière, et si vous vous opposez à elle, elle vous défie. Elle a sa mission, et elle le fera, qu'elle soit en loques ou en linge fin ; ou bien avec une voiture maladroite ou avec une voiture raffinée ; que ce soit au moyen d'intellects incultes ou avec la grâce des accomplissements. Ce n'est pas que, en fait, elle ne soit pas la source de bénédictions temporelles et morales innombrables pour vous aussi ; l'histoire des siècles le témoigne ; mais elle ne fait aucune promesse ; elle est envoyée chercher les perdus ; c'est son premier objet, et elle l'accomplira, quoi qu'il advienne ». [9]

Notez que, pour Newman, la recherche du perdu ne signifie rien d'autre que la mission de sauver les pécheurs — de les induire, peu importe sa façon, par la grâce de Dieu, à suivre sa loi et ainsi cesser de mentir, de voler ou de toute autre action qui peut nuire à l'âme, y compris les moindres péchés véniels. Qu'est-ce donc que Newman aurait dit au sujet de la légalisation du divorce, de la polygamie en série et de la polyandrie (c.-à-d. le « remariage »), de la contraception, de la stérilisation, de l'avortement et de la sodomie ? Nous regardons la déshumanisation progressive de l'homme, l'asphyxie croissante de la société et la décomposition accélérée de l'Église, avec la perte concomitante d'âmes innombrables à la damnation éternelle — et il y a toujours des Évêques qui n'osent pas défendre la Vérité de Dieu et ses Droits immuables, ou qui prétendent absurdement que « la loi du pays est la loi du pays », ou qui espèrent juste que s'ils restent immobiles et ne font rien, personne ne lèvera la main contre eux ? C'est comme l'apostasie de l'Église en Angleterre sous Henri VIII. Nous aurons notre héroïque Saint John Fishers et notre Saint Thomas Mores, avec un plus grand nombre de lâches, d'opportunistes, d'apostats et de traîtres.

Léon XIII, le Cardinal Newman et Mgr Benson, comme tant d'autres, savaient que l'Église Catholique était enfermée dans un combat mortel avec l'esprit irréligieux et libertin de la modernité. Ils ne parlaient pas avec le monde, ils ne créaient pas de comités pour des entreprises communes, ils ne se tenaient pas la tête baissée et ne plissaient pas d'un œil jusqu'à ce qu'ils voient quelque chose de vaguement positif. Ils le condamnaient comme un poison, avertissaient sans cesse et combattaient ses terribles effets de toutes leurs forces. Ils ont perdu le combat, mais seulement parce que leur cause a été trahie par leurs propres frères cléricaux au XXe siècle. La crise dans l'Église est une crise des Évêques ; chaque fois que l'Église est dans la tourmente, la crise des Évêques sera toujours à la source. Saint Grégoire Nazianze témoigne de ce fait inquiétant quand il écrit :

« La lumière et l'œil de l'Église est l'Évêque. Il faut donc que le corps soit correctement dirigé aussi longtemps que l'œil se garde pur, mais il se trompe quand il devient corrompu, donc aussi à l'égard du Prélat : selon son état, l'Église doit de même souffrir d'un naufrage ou être sauvé ». [dix]

Néanmoins, c'est le Cardinal Newman qui, dans ses Ariens du IVe siècle, a offert un rappel bien documenté et opportun que c'était principalement les laïcs, sous la direction de quelques Évêques fidèles, qui ont gardé la vraie Foi dans l'horrible époque de la crise Arienne. Aujourd'hui, c'est et ce ne sera pas différent. Glorifions-nous dans notre privilège baptismal d'avoir et de garder la vraie Foi, en union avec le Christ crucifié et ressuscité ; Glorifions-nous dans notre Confirmation qui nous a enrôlés dans les rangs de notre Roi victorieux ensanglanté, pour lui rendre témoignage et livrer ses batailles sur terre. « Ainsi vous dit le Seigneur : Ne craignez pas, et ne soyez pas effrayés devant cette multitude, car la bataille n'est pas la vôtre, mais celle de Dieu » (2 Chron 20 :15).

* * *

La superbe « Déclaration du Lac de Garde sur la crise ecclésiale et civilisationnelle » [11]. J'ai commencé à penser aux grandes lignes de l'histoire dans laquelle nous nous trouvons, des personnages dans un drame divin de la lumière et des ténèbres.

Même s'ils l'ont peut-être vu arriver, de nombreux Catholiques étaient dans un état de choc après Obergefell. Comment est-ce arrivé si vite ? Comment nous sommes-nous retrouvés avec une légitimation descendante des péchés qui crient vengeance au Ciel, des perversions qui se moquent de la nature, des désordres qui détruisent le tissu de la société humaine ? Le monde est clairement un gâchis — à peine Chrétien même dans ce pays autrefois favorisé par l'allégeance répandue à la seule vraie Foi. Ce n'est pas un conte de fées : il était une fois le monde Occidental imprégné du Christianisme de bout en bout ; les gouvernements, les lois, les économies, les arts et les sciences étaient Catholiques. Qu'est-il arrivé ?

L'histoire de la modernité est intrinsèquement liée à la politique et à l'économie de la rébellion, à la révolution, au faux messianisme de la sécularisation et de la laïcité. « Les rois de la terre se préparent au combat, les princes se concertent contre le Seigneur et contre le roi qu'il a consacré. « Rompons les liens qu'ils nous imposent, disent-ils, rejetons leur domination ! » (Ps 2, 2-3). Grâce à l'« ouverture au monde » naïve du Concile Vatican II, qui a éviscéré l'intérieur de l'Église, un grand nombre de Catholiques considèrent aujourd'hui l'histoire, la culture, la politique et l'économie comme étrangères à la théologie ou à la Foi ou à sonextérieur, comme si l'Église n'avait rien à dire sur la nature humaine et la vie dans ce monde.

Une telle mentalité étroite, une exposition évidente des vices de l'individualisme et du spiritualisme, est explicitement rejetée par une longue lignée de Papes modernes qui ont vu clairement notre époque. Tout comme aucun homme n'est une île, le Catholicisme n'est pas une chose atomistique mais une réalité sociale ; il a toujours eu et, quand on le croit vraiment, aura toujours des ramifications dans l'ordre social, la vie et la culture, les lois et les structures des peuples. En raison de la chute d'Adam, ces mêmes structures peuvent devenir ce que le Pape Jean-Paul II appelait des « structures du péché », empêchant les gens d'entendre l'Évangile ou au moins leur rendant la vie plus difficile.

On ne peut pas comprendre le monde humain qui nous entoure sans comprendre comment ses manières de penser et d'agir caractéristiques se sont formées et se sont souvent durcies dans des structures de péché qui entravent la pénétration de l'Évangile et même la perception de la loi naturelle. Le choc entre les visions du monde Chrétienne et anti-Chrétienne doit être engagé par les théologiens. Il n'est pas possible de comprendre la modernité ou la réponse Catholique sans s'attaquer à la question théologico-politique — la question de savoir si l'État lui-même, en tant que création de Dieu rachetée par le Christ, est tenu par une obligation incontournable à la vraie religion, à y adhérer et à s'y subordonner. [12] Rejetant résolument ce modèle d'harmonie entre la nature et la grâce, la modernité est intrinsèquement un ensemble de choix anti-Catholiques, des idéologies construites à partir de ces choix et des structures émergeant de ces idéologies. [13] La critique analytique et toute solution réaliste doivent être théologiques et non simplement humanistes / philosophiques. [14]

Les réalités sociales, culturelles, politiques et économiques sont désordonnées et compliquées, oui. Mais elles admettent une analyse fondée sur des principes — et une qui est proprement Catholique et théologique.

Sommes-nous contents de rester dans les ténèbres ou voulons-nous entrer dans la lumière des vrais principes qui éclairent notre pensée et notre action ? Nous devons descendre des hauteurs des mystères immuables tels que la Trinité Sainte et l'Incarnation du Verbe dans la situation concrète dans laquelle nous vivons nos vies en tant qu'animaux politiques. Selon l'Église, on suppose qu'il y a une véritable interpénétration entre ces mystères radieux et cette vie sociale désordonnée mais rédemptrice que nous menons.

Les Catholiques comprennent-ils comment nous arrivons à une situation où des millions d'enfants à naître sont assassinés chaque année dans l'utérus, et où les gens pensent que les hommes peuvent épouser des hommes ou des femmes ? Cela ne s'est pas produit du jour au lendemain, mais c’est le résultat d'une avalanche d'argent et de pressions politiques. C'est l'aboutissement d'un long processus historique, l'application accélérée d'un processus de révolte contre les premiers principes de la nature et de la grâce, en commençant par la Révolte Protestante contre l'autorité ecclésiastique et la Tradition sacrée, aboutissant son paradigme dans le rejet de la Révolution Française de l'autorité temporelle et la tradition humaine et glissant vers le bas vers le rejet par la Révolution Sexuelle de la coresponsabilité sociale et de la modération. Il n'y a plus rien à part la mutilation, la folie et le suicide.

Réagir efficacement à ce processus de révolte exige une certaine connaissance des causes de la maladie de peur que nous continuions, de manière ouverte ou subtile, à adhérer aux mêmes erreurs qui causent les maux que nous dénonçons. La triste vérité est que l'Église Catholique en tant qu'institution a, avec une résistance de plus en plus faible, adhéré aux erreurs de l'Occident sécularisé et libéral beaucoup plus qu'elle ne les a résistées avec succès au nom des vérités naturelles et révélées — les vérités mêmes qui ont été prêchées de nos chaires il y a seulement quelques générations, attirant des convertis fatigués de la modernité, de ses pompes et de leurs promesses vides.

On pourrait poser la question de la façon suivante : comment est-on passé de Dioclétien à Obama ? Pas par une ligne directe, mais par un chemin sinueux avec des hauteurs et des vallées qui peuvent être évoquées par la mention de quelques noms ou expressions : Dioclétien, Constantin, les Empereurs Ariens, Théodose, Charlemagne, Saint Louis IX, Henri VIII, Cromwell, les Révolutions Américaine et Française, les idéologies impériales / nationalistes modernes, la résistance Catholique (García Moreno, Salazar), la dictature du relativisme. À travers cette variété de régimes déroutante, à chaque nouvelle solution ou dissolution politique et théologique, l'Église, épouse fidèle du Seigneur et servante de Sa Vérité souveraine, a toujours manifesté un seul idéal : le Règne Social Intégral du Christ-Roi. Quelque chose de moins que cela peut être toléré pendant un certain temps, comme on peut tolérer une prison, mais rien de moins ne peut jamais être adopté et soutenu pour acceptation sans risquer la culpabilité de la trahison au Roi des rois et Seigneur des seigneurs.

Aujourd'hui, la plupart des écoles Catholiques ignorent ou déforment l'enseignement social Catholique, produisant ainsi des idiots utiles qui scient la branche sur laquelle ils sont assis ou des critiques dans des tours d'ivoire qui ne voient pas comment répondre à la crise culturelle et qui ne semblent pas particulièrement désireux d’œuvrer pour le Règne Social Intégral du Christ Roi.

Si la Royauté du Christ n'est pas comprise comme ayant des ramifications politiques et économiques profondes, immédiates et intransigeantes pour toute l'humanité, y compris les Américains, alors elle n'est pas du tout comprise. Ou plutôt, elle a été domestiquée, défigurée et dégriffée par l'État moderne auto-adorateur — un Catholicisme rendu inoffensif comme une spiritualité vague à laquelle personne ne peut objecter tant qu'il n'a pas de conséquences dans le monde. Cette « religion » purement subjective de bien-être [ feel good ] n'est pas la confession incarnée du Fils de Dieu par l'Église de Dieu, s'étendant du premier Adam au dernier homme avant que la trompette ne sonne, et nous ferions bien de la vomir en tant que poison qu’elle est, sans prétendre qu'il peut y avoir harmonie entre le Christ et Bélial (2 Cor 6 : 14-17). Le seul antidote est la Doctrine Sociale de l'Église, traditionnelle, authentique, bien charpentée, sacramentelle, incarnationnelle, étant donné son expression la plus complète et la plus classique dans le Magistère de Léon XIII.

« Voilà pourquoi ils doivent faire preuve de patience ceux qui appartiennent à Dieu, qui obéissent à ses commandements et sont fidèles à Jésus.» (Apocalypse 14, 12).

Cet article intègre du matériel publié dans plusieurs publications de Rorate Caeli il y a quelque temps.



REMARQUES

[1] Voir wtop.com/dc/2015/07/Cardinal-wuerl-sex-marriage-ruling-law-land/ , consulté le 16 avril 2016.

[2] Summa theologiae, I-II, q. 93, a. 3, ad 2.

[3] Summa theologiae, I-II, q. 95, a. 2.

[4] Léon XIII, Lettre encyclique Sapientiae Christianae, n. 10, emphase ajoutée.

[5] Léon XIII, Lettre encyclique Diuturnum Illud, n. 15, emphase ajoutée.

[6] Voir : www.newliturgicalmovement.org/2015/07/Cardinal-burkes-sermon-at-fota.html , consulté le 16 avril 2016.

[7] Léon XIII, Lettre encyclique Libertas Praestantissimum, n. 17.

[8] Homélie du Dimanche des Rameaux, Paradoxes du Catholicisme, cité sur rorate-caeli.blogspot.com/2014/10/benson-at-100-royal-Catholic-church.html , consulté le 16 avril 2016.

[9] Difficultés des Anglicans, conférence 8, disponible sur www.newmanreader.org/works/anglicans/volume1/ lecture8.html .

[10] Cité par Saint Thomas d'Aquin dans la Catena aurea sur Luc 11.

[11] Voir rorate-caeli.blogspot.com/2015/07/the-lake-garda-statement.html.

[12] Cette thèse est soutenue avec beaucoup de persuasion par Thaddeus Kozinski dans son livre Le problème politique du pluralisme religieux - Et pourquoi les philosophes ne peuvent le résoudre. Dans ses pages, Kozinski résume les points de vue de Maritain, Rawls et MacIntyre sur le pluralisme libéral, et montre comment chacune de leurs solutions est la proie, au final, de l'incohérence.

[13] Comme l'a démontré, entre autres, Michael Allen Gillespie, Les origines théologiques de la modernité (Chicago : University of Chicago Press, 2009).

[14] Voir, parmi d'autres documents papaux qui font juste ce point, l'encyclique de Léon XIII Lettre Tametsi Futura Prospicientibus, Sur Jésus-Christ notre Rédempteur, 1er novembre 1900.





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